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Chirac ou l'éloge du mouvement perpétuel

  • Pierre Schaeffer
  • 3 déc. 2019
  • 3 min de lecture

Jacques Chirac disparu et célébré par la ferveur populaire apporte aux Français un ultime hommage, celui de les réunir dans un même élan d’adhésion posthume. La performance vaut d’être relevée pour un homme qui fit campagne en 1995 sur le thème de la fracture sociale et qui pourrait aujourd’hui en constater la pérennité.

Sa disparition est saluée sur tout l’échiquier politique par des témoins et acteurs de la vie politique française dont certains, à gauche, furent ses détracteurs les plus résolus, mais qui aujourd’hui lui trouvent d’insignes mérites dont celui d’avoir instauré l’alternance sous la Ve République. Car c’est moins la longévité de son engagement politique, de 1967 à 2007, qui s’impose que l’exceptionnel kaléidoscope de ses convictions successives, tant il y a chez lui pendant 40 ans une série d’adhésions, preuve de son instinct politique, à tout le moins d’un rare sens de l’opportunité.

Il y a d’abord chez Chirac une fidélité affirmée à la Ve République et au gaullisme de ses fondateurs. Pendant 20 ans, il s’identifiera totalement à ces institutions. Par sa fougue, son allant, cette capacité à monter à l’abordage, Chirac s’affirmera comme le héraut du scrutin majoritaire. Il se bat pour la majorité, clé du pouvoir, celui qui a la clarté de cristal au contraire des coalitions issues de la proportionnelle. Chirac affirme sa capacité à faire gagner son camp. Il y a chez lui l’ombre du chef qui emmène ses troupes, à la manière de Bonaparte au pont d’Arcole.

C’est cette ardeur communicative qui fera la décision dans des scrutins disputés: 1974 et l’élection de Giscard grâce à la dissidence de 43 députés gaullistes, dressés contre Chaban; 1977 et la mairie de Paris; 1978 et des élections législatives déjà considérées comme perdues par Giscard. En 1981, son opposition au président qu’il a fait élire sept ans plus tôt pave la voie de Mitterrand et instaure l’alternance dans un régime qui avait fait du monolithisme son dogme.

Au lendemain de la cohabitation de 1986, timide esquisse de la collégialité suisse et du second échec de Chirac à la présidentielle de 1988, un autre personnage s’impose. Ce n’est plus le tribun filiforme, champion de la croisade à grandes enjambées contre Mitterrand et le Programme commun de la gauche. L’homme s’est étoffé, apaisé, même si son aptitude aux bévues reste, par exemple à Genève quand il demande à l’un de ses collaborateurs, au cours d’une conférence de presse en présence de Flavio Cotti, alors conseiller fédéral chargé des Affaires étrangères et sous un micro branché: «C’est qui, ce type-là?»

Chirac est entré dans un parcours qui sera celui des erreurs et des fautes. En 1995, il ne voit pas arriver la rivalité de Balladur qu’il a installé au poste de premier ministre. En 1997, sa dissolution dont il attend des élections qui conforteront sa majorité, fait revenir la gauche au pouvoir. Mais il y a plus grave: l’instauration du quinquennat en 2000, avec l’accord de la gauche au pouvoir, qui affaiblit la clé de voûte de la Ve République, le chef de l’Etat. Il n’y a plus qu’à attendre 2005, ultime camouflet à Chirac et désaveu de l’Europe, le rejet du référendum sur le projet de Constitution européenne.

Chirac n’est plus dans le droit fil des institutions de la Ve République et du scrutin majoritaire, tant il s’accommode de la cohabitation et montre de vraies connivences avec la gauche, dans la personne de Mitterrand, en attendant 2012 et son ralliement à Hollande. Chirac a épuisé toutes les couleurs du spectre politique français, en commençant par le gaullisme, version moderne du bonapartisme, puis le libéralisme thatchérien de 1986, enfin le centrisme. Il finira toujours par s’imposer en démontrant son génie de l’élection et sa médiocre capacité à gouverner.

Article paru dans TRIBUNe d'octobre 2019

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