Pénurie de médicaments : mince alors, plus de stocks...

LES MEDICAMENTS SONT-ILS DES PRODUITS COMME LES AUTRES ?

La pénurie de médicaments est une affaire très sérieuse, un danger sur le plan mondial car les états industrialisés ont perdu le contrôle de la production de médicaments, qu’ils soient innovants, anciens ou génériques. Partie prenante des hausses des coûts de la santé, le prix des médicaments reste une affaire d’entreprises privées qui sont libres de retirer un produit s’il n’est plus assez rentable ou, avant de le laisser partir dans le domaine public, de lui rajouter la petite molécule, une vitamine par exemple, qui justifiera un nouveau brevet sans aucune plus-value sur la qualité. Ainsi va l’économie de marché…

L’industrie pharmaceutique est ainsi au fil du temps devenue un monstre financier dont l’objectif unique est la rentabilité et les bénéfices. La question aujourd’hui que se posent de très nombreux Etats est de savoir comment envisager avec elle des processus moins pénalisants pour les comptes publics et le porte-monnaie des assurés.

La Suisse occupe la deuxième position mondiale en matière de prix des médicaments, suivie par le Canada et juste derrière les Etats-Unis. Voilà ainsi trois pays riches qui, parce qu’ils sont riches, se voient offrir les dernières nouveautés au prix fort, avec aussi les prix les plus hauts en matière de génériques qui sont deux fois plus chers dans notre pays qu'ailleurs...

Pour augmenter les marges, sans pour autant baisser les prix, la production des médicaments a été sous-traitée tout d’abord dans les pays de l’Est, puis en Inde et en Chine qui ont aujourd’hui le pouvoir de retenir les flux, un peu comme la Turquie avec les réfugiés. La comparaison n’est pas glorieuse mais reflète assez bien la réalité.

Une production rapatriée en Europe devient ainsi une nécessités stratégique pour retrouver une certaine souveraineté sur des produits vitaux en matière de santé publique. Une mesure parmi d’autres. Mais on le sait, menacer les entreprises pharmaceutiques de sanctions diverses va à contre-courant de l’effet souhaité. On l’a vu récemment en Suisse où un médicament jugé trop cher par l’office fédéral en charge de négocier les prix s’est vu retiré simplement du marché helvétique par le fournisseur, pour revenir sur le marché quelques mois plus tard mais plus cher car on en avait besoin. On marche sur la tête…

Les médicaments en rupture de stock, actuellement 588 en Suisse, sont de plus en plus nombreux. Près de 2000 médicaments jugés importants sont actuellement sous la loupe des spécialistes, hôpitaux compris pour palier à ce manque potentiel extrêmement problématique. La rupture de stocks concerne principalement des médicaments tels que les antibiotiques, analgésiques, anticancéreux et les vaccins. Souvent des produits anciens et peu chers mais très efficaces alors que les produits innovants sont bien sûr toujours disponibles… Cela fait 15 ans que la Suisse n’est plus en mesure de produire ses propres antibiotiques et vaccins. La pharmacie de l’armée a l’obligation légale de constituer des stocks dit vitaux voire de produire. Nous avons eu recours à 29 reprises à ces stocks en 2017 et 2018.

Le phénomène est ainsi mondial mais les gouvernements, notamment suisse et américain où l’industrie pharmaceutique est puissante, n’ont pas envie de les contrer au risque de les voir déménager. Mais le risque sanitaire est trop important aujourd’hui pour être ignoré.

La question que chacun se pose est de savoir si les médicaments (pas ceux de confort) sont des produits comme les autres, qui doivent restés soumis à la libre concurrence où s’il faut, d’une manière ou d’une autre les protéger et d’en contrôler les coûts et la production à l’instar de la Norvège qui est précurseur en la matière. Le sujet est d’actualité et devra rapidement trouvé des solutions dans l’intérêt des citoyens comme celui des Etats. Affaire à suivre…