Doctrine Trump
- Pierre Schaeffer
- 18 déc. 2018
- 3 min de lecture

L’élection de mi-mandat ne vaut pas récusation des deux premières années de la présidence Trump. Elu il y a deux ans, il sort, au contraire, renforcé d’un scrutin qui n’est jamais favorable au titulaire de la Maison Blanche. Reagan et Clinton en ont fait la dure expérience. Trump perd sans doute la Chambre des Représentants, mais d’une dizaine de sièges et surtout il élargit sa majorité au Sénat, chambre la plus puissante par son droit de veto sur les nominations de l’Exécutif et par la ratification des traités.
Trump devra négocier avec la majorité démocrate le vote de ses projets de loi, avec un bémol toutefois quand il s’agit de son programme de baisse des impôts sur les ménages, difficilement récusable par les démocrates. Si danger il devait y avoir pour le président élu, ce serait l’aboutissement de l’enquête judiciaire confiée à un juge fédéral sur les liens supposés entre Trump et Poutine pendant la campagne présidentielle, l’instruction d’un éventuel procès en déchéance du président étant à la discrétion des représentants.
En fait, le nouvel ordre politique instauré pendant les deux premières années de la présidence Trump et qui, selon lui, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, a déjà permis l’application de son programme, repose sur un pilier central, qu’il n’a cessé de marteler pendant la campagne des «mid-terms» : la maîtrise de l’immigration. Toute sa campagne, et les conséquences dépassent le continent nord-américain, a été axée sur la souveraineté des Etats-Unis, sur l’identité de son peuple, sur le caractère national de l’Etat, sur la protection des frontières qui en est la condition. Trump a retrouvé les accents d’un nouveau mythe de la frontière, après celui du XIXe siècle qui a rythmé la marche vers l’Ouest, celui du XXIe siècle, sur la nation garantie dans ses frontières.
Retour ou régression? Cette volonté de sauvegarder les frontières et l’identité du peuple qui s’en réclame diffuse dans l’hémisphère nord et entretient l’esprit des nations, en particulier dans les anciennes démocraties populaires, soumises à quarante ans de totalitarisme, aujourd’hui membres de l’Union européenne (UE). Ces mêmes gouvernements trouvent dans la doctrine anti-migratoire de Trump une caution, voire une inspiration, de leur politique de fermeture des frontières et de refus de tout fédéralisme migratoire au sein de l’UE. La croisade engagée par Macron, à six mois des élections européennes, au nom du progressisme dressé contre le populisme, est peut-être une faute, celle de diviser profondément l’Europe, et sans doute une erreur, tant elle sous-estime le retour de l’esprit des nations et de son puissant héraut, Trump.
Ce nouvel ordre mondial, cautionné par les «mid-terms» sera tout aussi présent sur le plan international avec l’offensive des Etats-Unis contre le libre-échange et le multilatéralisme, l’isolément des Etats hostiles à l’Amérique comme l’Iran, au nom d’un impérialisme, aujourd’hui confirmé, celui de l’extraterritorialité des sanctions commerciales américaines. Trump ne sera pas freiné dans l’affirmation de sa vision du monde, même s’il frappe souvent du poing pour ensuite reculer. On l’a vu avec le Canada, sans doute avec le Mexique et avec l’Europe, sommée de mieux partager le fardeau de la défense occidentale.
Si incertitude il peut y avoir, c’est dans ce domaine des relations commerciales et de la politique monétaire des Etats-Unis, conduite par la «Fed» et son président, nommé par Trump et déjà désavoué pour cause de relèvement des taux d’intérêt, avec le risque d’un resserrement de la conjoncture américaine en 2020 quand Trump affrontera sa réélection. Aujourd’hui tous les voyants sont au vert, mais dans deux ans les certitudes sont moindres comme si le paysage rasséréné des «mid-terms» pourrait s’effacer. L’Amérique se retrouverait dans la situation actuelle de l’Europe déjà en repli de croissance et c’en serait fait du New Deal trumpiste.
Paru dans TRIBUNE de novembre 2018
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