Quelle place pour la Suisse ? Le Suisse aime les grandes aventures...
- Fabienne Guignard
- 29 juin 2018
- 5 min de lecture

Il y a ceux qui croient aux symboles et ceux qui s’en distancient… Mais difficile pourtant de ne pas voir dans la metéo des signes sur la situation du monde… Les inondations ravageuses de ces dernières semaines témoignent du fait que la nature est décidément d’une violence absolue, destructrice, une manière de rappeler qui est le maître du jeu... Elle rappelle à chacun l’importance de la solidarité.
La terre donne ainsi l’impression de se rebeller un peu partout sur la planète. L’eau, le feu ou le vent dévastent les territoires. Cette météo imprévisible laisse planer un petit arrière-goût d’incertitude qui témoigne que tout, en très peu de temps, peut disparaître ou se désintégrer. Bref rien n’est jamais inscrit dans le marbre pour toujours… Une obligation à plus de modestie devant les événements ? Et cela dans tous les domaines de la vie privée ou collective. Est certainement venu le moment de consolider nos fondations tant politique qu’économique ou sociale pour éviter les dégâts monstrueux d’un tsunami à venir.
Le bouleversement n’est pas que climatique. Il y a un peu partout des leaders politiques qui aiment à jouer au pompier pyromane, question de se faire des frayeurs ou pire convaincus de leur bon droit à jouer avec le feu et les événements. La violence est donc bien présente dans nos vies actuelles. A tous les niveaux et dans tous les domaines. Les rapports de force redeviennent légion. A chacun son arme pour se défendre. Mais il y a des armes plus puissantes que d’autres et la chance de l’emporter n’est pas forcément bien répartie. La démocratie assurait plus d’équité et de stabilité. La voilà remise en cause elle aussi.

Dans le grand ménage du monde, la Suisse s’est fait sa petite place bien confortable où finalement le citoyen helvétique se sent plus protégé qu’ailleurs. Il y serait même plus heureux. Notre système institutionnel, de par sa sophistication et son équilibre des forces et pouvoirs, a répondu aux besoins de la population. Cette souveraineté du vote populaire ne va pas de soi pour de nombreux chefs d’Etat même démocrates qui n’aiment pas à se voir contraints par des décisions que leur peuple selon eux n’est pas « capable » de prendre avec suffisamment de connaissances. Faut dire qu’avec des votations comme celle sur la « Monnaie pleine », on leur donne un peu raison. Personne n’y a rien compris…
La neutralité suisse nous contraint à une certaine réserve sur les acteurs du monde, jouant à la perfection la médiation. Un concept politique devenu une niche politique quasi commerciale qui nous permet de rester à l’écart des grands blocs mais de s’y faufiler par des petites portes. La solitude de notre position a un prix, celui de rester ouverts plus que d’autres pays aux échanges commerciaux pour rester compétitifs. La compétitivité, maître-mot de notre économie. La vigilance, l’esprit vif et en alerte n’est plus un choix mais une nécessité.
Tous les classements internationaux nous placent régulièrement en excellente position : en compétitivité, en éducation, en innovation notamment. Mais pas seulement. La Suisse reste un pays d’exportation y compris en matière financière. L’industrie pharmaceutique ou des machines, sans oublier la haute technologie horlogère sont des joyaux pour notre prospérité. Mais ces trésors nécessitent une attention de tous les instants. Pas de relâchement. Jamais. Le refus des Suisses d’entrer dans l’Europe en 1992 et le choix de favoriser les rapports bilatéraux avec l’UE depuis a atteint ses limites. L’UE ne veut plus d’accords bilatéraux. Elle ne le veut pas avec les Etats-Unis qui ne demandent que cela, elle ne le veut plus avec la Suisse aujourd’hui. Elle veut un cadre général. Alors elle met en place des mesures de rétorsion pour nous faire plier notamment dans le domaine boursier mettant en danger notre place financière. Le Conseil fédéral a réagi par des mesures similaires. Seront-elles suffisantes ? Le danger de voir la bourse de Zurich fondre comme peau de chagrin est bien réel. Une solution doit être trouvée impérativement avec la fin de l’année.
L’UE se comporterait-elle avec la Suisse comme les Etats-Unis de Trump le font avec elle aujourd’hui ? Par la force ? Il y a de cela dans nos échanges avec nos alliés européens. Il faudra sûrement passer par des concessions… Ignazio Cassis semble depuis peu favoriser cette voie. Mais où mettre désormais la ligne rouge ? Adoucir les mesures d’accompagnement ? La situation fragilisée de l’UE, entre les deux mastodontes que sont les USA et la Chine, la poussera-t-elle à davantage de compréhension avec notre pays se retrouvant soudainement dans la situation du dominé, de celui qui doit demander. Qu’il est difficile d’être ferme et flexible à la fois !
Alors la Suisse, depuis quelques années, a pris son bâton de pèlerin. Les Conseillers fédéraux se succèdent mais continuent sur leur lancée, celle d’entretenir des relations privilégiés avec le maximum de pays. Nous voilà les champions du libre-échange… Swiss Air Force est très sollicité… Et le marché international est florissant car Schneider-Amman ramènent de nombreux contrats et Cassis ne revient pas bredouille de ses voyages en Asie. La Chine comme la Russie voient en la Suisse un partenaire loyal, fiable, de haute compétence. Pourquoi se priveraient-elles de nos services et d’une collaboration respectueuse des contrats ?
Mais cette ouverture a un prix pour les PME suisses non exportatrices qui se voient ainsi confrontées à des concurrents commerciaux sur le territoire helvétique. On le constate tout particulièrement dans le domaine agricole. Comment protéger notre agriculture locale, aux exigences réglementaires pointues, à des produits étrangers moins contrôlés ? L’enjeu pour notre pays est ainsi de savoir faire cohabiter sur le même sol des intérêts divergents. La production de masse n’est plus une solution viable, la qualité supérieure, le « swissness » devient ainsi un enjeu stratégique pour la prospérité de tous. La Suisse ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Elle doit continuer à favoriser l’excellence, l’innovation. Notre système éducatif, notamment universitaire, est d’après une récente étude, le deuxième meilleur système au monde. Mais trop de têtes diplômées ont quitté et quittent le pays. Une stratégie visant à les faire revenir ici doit se mettre en place rapidement. Le manque de cerveaux, c’est la fin du système. La formation est donc l’atout à favoriser pour assurer le bien-être de notre pays.

La Suisse reste un îlot de prospérité, elle qui il y a encore un siècle, était un pays très pauvre. L’intelligence s’entretient, l’équité doit être choyée car elle assure la cohésion sociale, la créativité doit être récompensée et l’échec ne pas être montré du doigt. Celui qui entreprend à plus de risques/chances de ne pas réussir mais quand il réussit, tout est transformé. La Suisse a toujours su prendre des risques, mesurés, mais elle a osé. Elle a eu confiance en sa capacité de créer de belles choses. Elle a osé le train à 3'000 mètres, ce n’est pas rien, le plus long tunnel ferroviaire d’Europe… Le Suisse serait-il un brin aventurier ? Franchement je le crois. Regardons la famille Picard… Notre pays aura donc toute sa place dans le monde de demain. Et cela aussi, j’en suis intimement persuadée…
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