Le marketing politique ne justifie pas des méthodes de voyous...

L’affaire Facebook a beaucoup fait parler d’elle et pas seulement devant la commission d’enquête du Congrès américain où le fondateur du réseau social Mark Zuckerberg a dû s’expliquer longuement sur la situation de la protection des données des utilisateurs par son entreprise ou plutôt sur la non protection des données qu’elle sous-tend. Ce qui surprend, c’est l’ampleur des dégâts, les cachotteries, les moyens mis à disposition, les informations ciblées limitées dans le temps rendant impossible la preuve qu’elles ont existé… Tout se fait par derrière, de manière cachée ou si peu transparente qu’il est plus simple de croire qu’il ne se passe rien. Mais qui peut aujourd’hui ignorer que la numérisation de tous nos faits et gestes n’est pas classifiée et utilisée à des fins mercantiles. Tout le monde le sait mais feint d’en découvrir l’ampleur et surtout d’assumer sa propre responsabilité.

Que les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) aient réussi un coup psychologique d’envergure en créant des plateformes digitales aussi populaires, favorisant une addiction du consommateur à utiliser leurs produits, ne fait aucun doute. Leur analyse pointue de la psychologie humaine et son application sur le plan marketing ont fait de quelques sociétés californiennes les stars de l’économie mondiale. Avec un pouvoir financier gigantesque rivalisant les ressources d’un Etat très souvent. Il y a donc une mainmise de fait sur l’économie mondiale par quelques sociétés innovantes de grand talent qui ont la fâcheuse tendance à ne pas vouloir payer d’impôt et le droit international à l’optimisation fiscale le favorise. Il s’agit aujourd’hui de mieux les encadrer. Sérieusement et rapidement.

Que des sociétés de marketing politique comme Cambridge Analytica, qui a fait exploser le scandale Facebook, qui ont pour mission d’analyser les comportements des usagers/utilisateurs à des fins politiques n’est en soi pas une nouveauté. Les données de vos cartes de fidélité, de vos cartes de crédit vont dans le même sens et depuis longtemps mais on n’avait encore jamais vu, en tout cas à ce point, un système d’évaluation et de modification des comportements pour agir avec autant de précision sur le choix politique des consommateurs. Un système si peaufiné, si pointu et si peu transparent. Ce qui choque c’est qu’il s’agit ici d’analyse de données qui peuvent influencer sur la manière de voter. Nous voilà au centre de la démocratie. C’est ce qui est très grave…

La question que ce scandale nous force à nous poser est de savoir si le vote peut être considéré comme n’importe quel autre acte d’achat ? Vu le tsunami mondial que ces révélations ont mis au jour, on doit répondre que non. Le vote n’est pas un acte d’achat comme un autre. Il touche au fondement même de nos démocraties. C’est plus ici que de la propagande politique qui a toujours existé, c’est qu’elle est faite de manière cachée, pas au grand jour donc impossibilité pour les adversaires politiques de réagir, de répondre, de se défendre ou d’attaquer puisqu’ils ne savent pas que l’attaque a été lancée. La démocratie, et c’est la base de ses principes, doit être faite dans la transparence. Cela ne veut pas dire dans un monde de « bisounours » mais on avance en campagne politique à visage découvert. Et dans le cas de Facebook et Cambridge Analytica, tout s’est fait dans l’obscurité, à visage cagoulé, pire sans visages du tout, des méthodes de voyous en somme.

Mais les victimes sont bien dociles. Le syndrome de Stockholm serait-il généralisé ? Le titulaire d’un compte doit aussi faire preuve de jugeote et de responsabilité. Penser aux conséquences de ses actes, de ses propos, de ses « like » n’est pas si ridicule. Cela s’appelle de la conscience et un minimum d’intelligence. Beaucoup de gens ont, semble-t-il, oublié de s’en servir…