La Suisse : A l'écoute du peuple
- Fabienne Guignard
- 23 janv. 2018
- 3 min de lecture

Le monde s’engouffre de plus en plus vers des crises sans fin où le modèle démocratique montre chaque jour un peu plus ses limites. On croyait que le pouvoir au peuple allait sauver la planète, que la démocratie était un but universel, que les valeurs occidentales avaient pour mission de régenter le monde. Et bien, les choses changent.
La « démocrature » a tendance à s’imposer parfois sur les réseaux sociaux, la rue à faire la loi alors que c’est normalement dans les urnes et les parlements que les choses devraient se transformer. Pour autant que l’on puisse voter et surtout, une fois le vote effectué, d’en respecter le résultat. Et bien ce n’est pas toujours le cas.
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le disait il y a peu au sujet de la Grèce « pas de démocratie en dehors des traités ». Cela ne fait-il pas le jeu des partis nationalistes qui ont de la peine à imaginer perdre leur souveraineté nationale ?
Et bien en Suisse, on se dit que nous avons bien de la chance. Notre système institutionnel, des plus performant et raffiné, laisse à la population le rôle d’acteur écouté. Nos parlements sont élus au système proportionnel tandis que l’Executif, élu en même temps, est désigné au système majoritaire. Ce double processus de comptage des voix offrent une très grande diversité des représentations tout en assurant une stabilité et un excellent contrôle des pouvoirs. Une sorte de coalition forcée avec l’aval des citoyens et non au gré des arrangements partisans. C’est au parlement que de trouver consensus et majorité de circonstance.
Regardons ce qui se passe en Allemagne qui n’a pas encore réussi à former un gouvernement, au Pays-Bas qui aura mis six mois pour constituer le sien ou tout dernièrement en Autriche où l’entrée de l’Extrême droite ne suscite aucune réaction internationale. L’Espagne qui vit depuis deux ans sans réelle majorité. Sans oublier les Etats-Unis qui ont mis plusieurs mois à désigner ses ministres sachant que des centaines de hauts fonctionnaires et ambassadeurs n’ont pas encore été reconduits ou désignés. Ce sont pourtant des démocraties évoluées.
Nos référendums obligatoires et facultatifs, nos initiatives venant de la société civile sont ainsi des instruments démocratiques qui confèrent de la confiance envers les autorités. Une campagne peut ainsi présenter les arguments des uns et des autres. La presse a son rôle d’information. Le peuple peut contester une décision parlementaire à tous les niveaux en récoltant des signatures validées dans un temps donné. S’il y parvient, la votation aura lieu. Il faut donc un engagement fort pour atteindre l’objectif et l’assurance que le sujet est suffisamment intéressant pour être soumis au vote.
C’est comme cela que nous adaptons nos lois, notre constitution et personne n’imagine remettre notre système en question.
Au plan fédéral, l’Exécutif de 7 personnes, ni plus ni moins, répond à la mise en place de la formule magique en 1959 qui répartit institutionnellement les sièges aux quatre plus grands partis du pays, avec deux sièges pour les trois premiers et un pour le petit dernier. Cela pourrait changer si la situation le justifiait mais pour le moment notre système suisse fonctionne comme cela avec une présidence tournante question de ne pas faire tourner la tête à nos dirigeants… Cela surprend bien sûr nos voisins européens plus habitués à un pouvoir centralisé. Le Président de la Confédération n’a pas le pouvoir d’Emmanuel Macron. Et c’est tant mieux… Nous avons la démocratie modeste mais l’efficacité a fait ses preuves même si aujourd’hui nous connaissons depuis quelques années des pressions internationales extrêmement puissantes : l’administration Obama nous a fait du mal et l’Union européenne ne nous laisse pas beaucoup de répit malgré le possible « milliard de cohésion ». Nous sommes un petit pays qui résistons plutôt bien aux tempêtes environnantes. Notre peuple continuera-t-il à être sage ? Oui, s’il sait qu’il est écouté.
Paru dans TRIBUNe décembre 2017
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