Ecologie urbaine : des écoquartiers aux jardins sur les toits
- Fabienne Guignard
- 31 août 2016
- 5 min de lecture

En août 2013, le dossier de TRIBUNe était déjà consacré à l’habitat du futur. Ce dont nous parlions à l’époque comme des projets « avant-gardistes » sont aujourd’hui dans plusieurs pays implantés dans le présent, avec succès : la ferme en ville, les écoquartiers, les villes sur l’eau, les jardins sur les toits.
Nous sommes au début d’une révolution de l’urbanisme inspirée par une augmentation sans cesse grandissante des populations. Il faut donc loger les terriens, de tous âges, de toutes conditions sociales, de toutes origines. Et cela de manière convenable aussi bien pour le bien-être et la santé qu’à des prix supportables à la construction, à l’achat ou à la location. Bref il s’agit d’être à la fois innovant, technologiquement performant, financièrement supportable et socialement efficace.
"Il s'agit d'être à la fois innovant,
technologiquement performant,
financièrement supportable
et socialement efficace"
Le réchauffement climatique et l’accord récent de la COP21 obligera chaque pays à favoriser des projets respectueux de l’environnement à moindre coût. A l’heure où l’on constate le désengagement du citoyen dans les affaires publiques, on remarque au contraire un réel engagement dans la recherche et la volonté d’un vivre ensemble nouveau où l’homme, la nature et les activités économiques ne sont pas opposés.
En effet, dans tous les projets liés à l’habitat, dans cette voie nouvelle d’une « écologie urbaine », il y a toujours la nécessité de favoriser la participation, l’entraide entre les habitants en plus des applications techniques en matière d’énergies renouvelables. Cet engagement participatif en matière d’urbanisme et d’utilisation des lieux publics propose une manière de vivre qui met la mixité sociale, la bonne alimentation et la solidarité au centre de nos vies. Les plus individualistes refuseront cette forme de vie communautaire plus ou moins accentuée selon les cas, mais d’autres, personnes âgées notamment ou familles monoparentales ou pas, apprécieront ce soutien inespéré pour le bien commun.
L’écoquartier ou le bien vivre écologique
Le premier type de projet auquel on pense est bien évidemment l’écoquartier. Il s’agit de réduire l’impact du bâti sur la nature. En d’autres termes, voilà un projet d’aménagement urbain qui a pour but le développement durable et la réduction de l’empreinte écologique. De la construction à la réalisation finale, le chemin peut être long car il s’agit de se mettre d’accord sur tout. A tous les échelons, des pouvoirs publics aux investisseurs, du maître d’œuvre aux usagers. L’habitant est donc au centre du projet et s’il ne s’approprie pas le concept dans la durée et n’adhère pas totalement au vivre ensemble tel que proposé, l’écoquartier n’atteindra pas son objectif. L’Ecoquartier de Fribourg en Brisgau, référence en la matière, est un succès vanté loin à la ronde. Celui de Métamorphose à Lausanne est en bonne voie. On parle de plus de 12'000 habitants et emplois.
Les constructions de type écoquartier ont pour but de diminuer la consommation énergétique avec l’utilisation généralisée de panneaux photovoltaïques, de diminuer la mobilité automobile voire supprimer totalement les voitures. Cela signifie qu’il faut proposer des transports publics de proximité performants, y compris à l’intérieur du quartier s’il est grand, des magasins et autres supermarchés, lieux de réunions ou encore instaurer des pistes cyclables et des parkings pour vélos. Certains prévoient même des pistes de jogging. On veillera aussi à ne pas gaspiller l’eau en récupérant l’eau des pluies pour arroser les espaces verts, nettoyer les rues ou encore alimenter le réseau d’eau pour les toilettes. Sans oublier la gestion des déchets prioritairement par une diminution de la production. On favorisera le composte avec, pourquoi pas, un potager collectif et bien sûr des espaces verts et places de jeux. La biodiversité doit être bien intégrée et les matériaux de construction seront peu polluants.
Tout nouvel habitant devra s’intégrer, trouver sa place. Il est donc important d’établir des liens entre les résidents par exemple en éditant un journal de quartier, en créant un réseau internet, en organisant des expositions, des activités sportives. Bref, l’échantillon est large et l’imagination sans limite.
Nombreux sont aussi les opposants à ce type d’aménagement urbain. Le premier reproche est celui d’une mixité sociale seulement inscrite sur le papier. En d’autres termes il s’agirait d’une sorte de ghetto pour « bobos » aisés. Le deuxième reproche, pour les écoquartiers de deuxième génération, touche à la mainmise du politique sur les projets qui utilise ce nouveau concept à des fins électorales et d’image. Ces écoquartiers sont alors très performants sur le plan technique et architectural mais nettement moins sur le plan social.
L’agriculture urbaine
Cette tendance à introduire la nature dans la vie des cités et des grandes villes est aujourd’hui une réalité. New York en est un exemple frappant. Les premiers jardins potagers dans les quartiers pauvres ont permis à des populations défavorisées, souvent en surpoids par manque d’argent, d’apprendre à se nourrir correctement par la découverte pour beaucoup des fruits et légumes y compris à les reconnaître et les nommer. Voilà donc une aide efficace pour lutter contre la « malbouffe ». Cuisiner redevient un must. C’est ce que l’on appelle l’agriculture urbaine. Et on la trouve partout. Y compris sur les toits des tours et immeubles. On produit local pour soi et pour ses voisins. Les restos ont ainsi des produits frais à deux pas de chez eux. Du producteur au consommateur sans intermédiaire. Bon pour le porte-monnaie et bon pour la santé. A Montréal, la ferme sur toit n’est plus de la science-fiction. Il y en a plus de 150 et sur de grandes surfaces. Rappelons-nous les jardins suspendus de Babylone. C’est le même concept.
Sans oublier les bienfaits de la végétation dans les villes. Et pas seulement pour les yeux. Les murs végétalisés, les miroirs d’eau, les jardins sur les toits et balcons, les espaces verts nombreux y compris sur les lignes de tram et les grandes avenues favorisent l’abaissement de la température de la cité. Alors pourquoi pas du gazon sur la place de la Riponne …
Et il y a aussi les ruches installées sur les toits. Une grande tendance. Le miel y est meilleur qu’à la campagne. Avec une belle productivité. Bizarre mais vrai. En Suisse romande, deux Start-up ont convaincu des grandes sociétés d’en installer sur le leur : Johnson & Johnson, UBS Genève, Pwc, Migros, l’institut le Rosay notamment. Et maintenant que les abeilles suisses se portent à nouveau bien, le miel urbain est un produit phare. L’agriculture dans la ville n’est plus un rêve.
Citons aussi les villes qui se construisent sur l’eau, en Hollande notamment, qui ne sont plus des étrangetés. La montée des eaux, le besoin grandissant d’espaces d’habitation ont transformé les habitudes des usagers. Les maisons montent au gré des circonstances. Les villes s’adaptent.
Les villes changent de visage
Cette écologie urbaine va donner une nouvelle image à nos villes. La nature sera encore plus que maintenant un élément de bien-être. Même en Suisse. Car notre pays est au centre du réchauffement climatique en Europe. Nos villes connaissent ces dernières années des températures avoisinant les 40 degrés. Il faudra impérativement les rafraîchir. Les murs végétalisés, les parterres en gazon ne seront bientôt plus un luxe mais une nécessité pour rendre la vie en ville plus supportable. Alors restons l’esprit ouvert. L’écologie urbaine est source de développement économique et d’emplois. Les jobs de demain en fait… L’innovation a encore de beaux jours devant elle…
(Article paru dans TRIBUNe)
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