Cohésion sociale - le dialogue n'est pas ringard

On nous dit plutôt lents, calmes, raisonnables, très consensuels… Dans le fond pas très excitants…Comme si s’était des défauts. Nous, je veux dire, les Suisses. On figure pourtant systématiquement en tête de tous les « rankings » internationaux : sur la transparence de nos institutions, sur notre modèle démocratique, sur la compétitivité, l’innovation, sur la qualité de vie, la satisfaction au travail, la durée de vie, sur la flexibilité de notre économie de marché libérale. Et j’en passe. Nous voilà grands exportateurs de produits à haute valeur ajoutée (horlogerie, chimie, pharmaceutique, etc). Notre monnaie, très forte, redevient « monnaie refuge » en cas de troubles politiques et économiques ailleurs, risque Brexit en tête. Notre stabilité est sans conteste un atout majeur. Un atout qui fait des envieux.

"Par tradition, par nécessité, par mentalité,

les Suisses ont toujours su

négocier, parlementer, dialoguer"

Par tradition, par nécessité, par mentalité, les Suisses ont toujours su négocier, parlementer, dialoguer. N’est-on pas d’ailleurs les champions sur la scène internationale des processus de paix grâce à notre neutralité affirmée et reconnue.

Cette faculté à mettre de l’huile dans les rouages, nous la pratiquons aussi à l’intérieur du pays. C’est notre mode de fonctionnement. Le peuple a toujours le dernier mot. Syndicats et patronats sont en dialogue permanent. Parfois avec rudesse mais toujours dans la discrétion, favorable aux solutions acceptées par les deux camps. Mais il faut dire que nous y mettons du temps. On consulte beaucoup. A tous les niveaux. Dans le domaine politique, les exécutifs, les administrations publiques, avant d’élaborer des projets de lois lancent ce que l’on appelle des « procédures de consultations » auprès de tous les organismes, privés, publics impliqués par la réforme proposée. Bref, de ces avis très divers et souvent controversés, aux organes de l’Etat d’en faire la synthèse, mieux de trouver un maximum de dénominateurs communs. Ils proposeront ensuite un texte qui aura l’occasion d’être discuté longuement, passionnément ou pas. Et dans certains cas, soumis au vote final du citoyen.

Cette recherche systématique du consensus est le fondement de notre cohésion sociale. Un concept qui joue sur l’équilibre des forces, l’équité dans les droits, la reconnaissance de la diversité, l’autonomie des régions, le développement et la responsabilité personnels, l’engagement du citoyen dans la vie sociale, associative, professionnelle.

On parlait de solidarité il y a peu mais la mondialisation a passé par là. On préfère dire « cohésion ». Il n’est plus question de supprimer les inégalités mais bien de favoriser l’égalité des chances. Reconnaître la valeur au mérite. Créer le sentiment que la progression sociale est juste, possible. Mais éviter impérativement que les inégalités ne soient trop flagrantes donc susceptibles de susciter révoltes, grèves et blocages. La recherche cohésion sociale ne serait-elle pas de fait un concept favorable aux réformes ? S’adapter à l’évolution de la société, des mœurs éviterait ainsi le conservatisme, le repli sur le passé. L’épanouissement de l’individu, sa liberté d’entreprendre sont ainsi des ciments du progrès collectif. La cohésion sociale a donc une fonction pacificatrice. A chacun sa responsabilité, pouvoirs publics, citoyens, entreprises. Confiance, respect et valorisation des forces positives en fer de lance. La coresponsabilité sociale est l’atout indiscutable le développement de notre économie. En deux mots de notre prospérité.

La Suisse n’est pas pays de révolution. Son avenir passe par la concertation, l’apaisement grâce à un état d’esprit constructif favorisant des solutions nouvelles. L’imagination, l’innovation jusque dans notre gestion politique. Pas seulement un choix mais aussi une nécessité.