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Le budget : un acte politique ou administratif ?

  • Fabienne Guignard
  • 18 déc. 2018
  • 5 min de lecture

La fin de l’année est pour les autorités politiques un grand moment, celui des budgets. Que l’on soit chef d’un gouvernement fédéral, d’un canton ou d’une commune, il est censé être l’heure des choix. Pour certains, il ne s’agit que d’un acte administratif, qui répond à des règles financières, techniques et légales et pour d’autres, c’est mon cas, un acte politique. Pour le moins, c’est ce qu’il devrait être car les transferts de compétences politiques du haut vers le bas ou vers des associations de communes rétrécissent les marges de manœuvre budgétaire. Et c’est un sacré problème démocratique donc politique.

Un budget est le reflet d’un programme politique. Normalement. Un budget de gauche ou un budget de droite ne devraient pas être identiques bien qu’ils doivent, dans les deux cas, répondre à des impératifs de pragmatisme financier légal, de réalisme comptable et surtout de prudence financière car il s’agit d’argent public. Aucune autorité politique n’a aujourd’hui les moyens ni le droit de vilipender l’argent des contribuables. On l’a vu, on le voit tous les jours, cet exercice d'équilibriste entre les charges et les dépenses des pouvoirs publics est de plus en plus difficile à tenir. Le voilà même très périlleux. On parle de bonne gouvernance, de transparence et d’équité. Mais aussi de perte de souveraineté et d’affaiblissement du politique car au fil du temps, le budget est fixé par d’autres, à un autre niveau…

La crise économique et financière de ses dix dernières années a montré les limites d’une gestion libre, sans contrôle ou si peu, de ses déficits. Pour pallier ce risque potentiellement dangereux de dérive budgétaire, l’Union européenne a instauré des règles budgétaires restrictives pour ses Etats membres, imposant un déficit maximum de 3%. Les règles sont aujourd’hui encore plus restrictives, car l’UE exige une diminution continuelle des déficits. L’Italie s’est vue, pour la première fois de son histoire, refuser son budget par la commission, pourtant en dessous des 3% de déficit mais, et c’est son grand tort, plus haut que sous le gouvernement précédent. Idem pour 2020. On ne rigole pas avec les budgets à Bruxelles… Il faut respecter les règles répétera à l’envi le commissaire européen Pierre Moscovici… sauf pour la France ! Pour l’UE, le budget est de fait un acte administratif plus que politique.

En Suisse, le parlement fédéral, adoubé par un vote populaire, a inscrit dans sa constitution l’obligation de ne pas dépasser les 3% de déficit pour maîtriser la dette nationale (actuellement à 33% du PIB) donc bien en dessous des exigences européennes fixées à 60% (dont la moyenne européenne est de 88% en 2016). C’est ce que l’on appelle communément le frein à l’endettement. Les excédents budgétaires de la Confédération, par une budgétisation extrêmement prudente, trop prudente diront certains, (en estimant systématiquement à la hausse les charges et à la baisse les recettes), a mis notre pays dans une situation très favorable en matière de dette mais qui a produit des effets pervers : La Confédération a l’obligation d’utiliser ses excédents pour diminuer la dette et non pas pour financer d’autres actions et nouveaux investissements. Jusqu’où irons-nous ? Une dette nationale à 0% comme la Roumanie de Ceausescu avant sa chute ? Un Etat ne doit-il pas aussi investir pour le bien de tous ? Ah Keynes a passé par là… Une partie de ces excédents ne pourraient-ils pas financier les assurances sociales, un exemple au hasard …? La question se pose.

Les péréquations financières inter cantonales et inter communales permettent plus de solidarité. C’est le concept même. Le Canton de Vaud, de par sa forte augmentation d’habitants, a passé l’an dernier, pour la première fois, dans la catégorie des cantons qui vont recevoir de l’argent et non plus en donner. Bizarre pour un canton qui se porte bien. Le système de calcul est revu régulièrement de manière à coller à la réalité mais pour le moment, c’est ce qui se passe. Sur le plan communal, on parle de réformer le système de péréquation intercommunale qui n’est plus satisfaisant. Ce qui est sûr, c’est qu’un bouleversement budgétaire s’est mis en marche depuis quelques années, sous le couvert d’une meilleure gouvernance financière, provoquant sur son passage une perte sèche et réelle de compétences budgétaires des communes.

Plus de la moitié d’un budget communal est constitué de charges cantonales fixes sur lesquelles le législatif n’a pas ou plus de levier d’actions. Chaque commune se doit de partager le fardeau des charges sociales. Mais le pourcentage de charges répercutées augmente d’année en année posant ainsi un problème de taille pour les collectivités locales qui, ne voulant pas augmenter leur taux d’impôts, doivent limiter ailleurs leurs dépenses. Alors la question d’augmenter le taux d’impôt devient la tentation du moment. Et certains n’y résistent pas. « Le citoyen doit payer davantage ». Sauf que le taux d’impôt a permis jusqu’ici à certaines petites communes d’exiger de leurs contribuables des impôts communaux très bas, bien plus bas que la moyenne cantonale et que d’autres, centres régionaux, ont pris à leur charge des frais régionaux à la hausse. D’où l’importance de réformer le système actuel de péréquation financière intercommunale.

Le problème est aussi politique car il est question de souveraineté. Comme l’a relevé il y a deux ans déjà la Cour des comptes, le recours de plus en plus systématique à des associations de communes, dans un but de meilleure gouvernance budgétaire et organisationnelle, pour gérer en commun des problèmes communs, a retiré des parlements communaux tout contrôle. Très souvent, seul un Municipal représente sa commune dans un comité exécutif, par exemple pour les pompiers, les transports publics, les stations d’épuration, l’accueil de jours et bien d’autres activités... Ce déficit de souveraineté parlementaire et politique, que toutes les communes vivent au quotidien, n’est-il pas en train de remettre en cause le fonctionnement politique de notre pays ? Le fédéralisme serait-il remplacé à « l’insu de notre plein gré » par des autorités administratives sans existence institutionnelle mais dont les conséquences financières apparaissent dans des lignes de budget impossibles à modifier, sauf à quitter de facto ces associations et les avantages indéniables qu’elles apportent. Certaines petites communes ont déjà fait le pas. Qu’en est-il des autres, plus grandes ?

La nouvelle constitution vaudoise a introduit un article nouveau dans sa loi sur les communes visant à mettre sur pied des commissions de politique régionale dans les parlements communaux, généralement consultatives, de manière à garder un œil attentif sur ces activités « extra politiques/parlementaires ». On le retrouve donc dans les règlements de Conseils communaux, pourtant à ce jour sans réelle application. De nombreuses communes ne les ont en effet encore jamais activées. Celles qui l’ont fait constatent que cette commission est très active et souvent sollicitée. Ces commissions de politique régionale ne sont certes pas la panacée mais voilà un moyen institutionnel qui permet au législatif communal d’être plus actif en attendant qu’une solution plus efficace et plus démocratique ne soit trouvée pour pallier ce manque évident de souveraineté. Le sujet n’est pas nouveau mais il devient impérieux d’y apporter une réponse satisfaisante. Car les incidences sur les budgets sont trop importantes… Les Communes veulent et doivent retrouver un espace plus important pour des initiatives locales. Bref avoir une plus grande autonomie dans leur budget de manière à éviter qu’il ne devienne qu’un acte administratif et non plus l’acte fondateur d’une politique voulue par les urnes, ce qu’il devrait être. Nous voilà à un tournant institutionnel. Mais saurons-nous le négocier ?

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